
Modelant l’argile avec beaucoup de sensibilité et de virtuosité, Caffieri a su donner une œuvre d’un très grand équilibre, associant le déshabillé galant de l’actrice à sa coiffure savamment échafaudée, surmontée d’un bouquet de plumes d’autruche. Les traits de la comédienne, dont on disait le plus grand bien, ne sont pas spécialement flattés. Caffieri a voulu ici nous transmettre tout le charme de cette figure, faisant de cette œuvre datée de 1776, une des dernières manifestations du style rocaille. L’artiste a su tirer parti des imperfections physiques de son modèle. L’ossature un peu anguleuse du visage lui a permis d’en accuser les plans. Une petite touche de matière dans le creux de la prunelle avive le regard par la lumière qui s’y accroche. La précision des traits contraste avec la facture plus libre de la coiffure et des étoffes.
La passion du théâtre
Le théâtre n’a jamais été plus prospère qu’au XVIIIe siècle, les comédiens sont fêtés, et même estimés ; on se passionne pour la scène. Tragédies et comédies rivalisent, mais ces dernières l’emportent au cœur du siècle. Les jeux de l’amour qui s’éveille, s’étonne et se défie lui-même, qui hésite, s’éprouve et ose enfin se déclarer, sont triomphe qui fait prévaloir la vérité du cœur sur les intérêts ou les préjugés, voilà les ressorts des intrigues. Les acteurs se font alors immortaliser par un portrait et nombreux furent les artistes qui tirèrent le portrait, ou firent le buste de leurs contemporains, célèbres dans le monde du théâtre ou dans ceux de la musique, des lettres ou des sciences.
Dorothée Luzy Dotinville (1747-1830) dite Melle Luzy fit ses débuts à l’âge de seize ans à la Comédie Française. Elle en fut sociétaire de 1764 à 1781. Elle excellait tout particulièrement dans les rôles comiques, surtout ceux de soubrettes. Elle jouait, si l’on en croit ses contemporains, avec plus de grâce que d’esprit. Elle se produisait occasionnellement dans les tragédies mais avec moins de brio. Néanmoins c’est en tragédienne qu’elle a choisi de se faire représenter par un des grands portraitistes du siècle, Jean-Jacques Caffieri (1724-1792). Les œuvres de ce sculpteur révèlent un talent bien souvent aussi accompli que celui du pastelliste Maurice Quentin de La Tour, en peinture.