Philippe Starck. Paris est pataphysique
Avec les contributions de Philippe Starck, Milie von Bariter et Valérie Guillaume
« Je suis le contraire d’un touriste. Je ne visite jamais rien et surtout pas les monuments. De manière générale, les monuments ne m’intéressent pas. Les seuls qui m’attirent sont des monuments qui n’en sont pas, en particulier les bâtiments scientifiques de la fin du XIXe siècle et du début du siècle suivant. Dans ceux-là, il n’y a pas de recherche de rentabilité. Le but est la recherche en soi.
Il est beau de redécouvrir ces constructions du passé, de retrouver la folie de ces bâtiments, et j’éprouve une attention très sentimentale pour la soufflerie de Gustave Eiffel, disparue en partie, objet qui symbolise le passage dans la modernité de l’architecture mondiale. C’est le moment où Gustave Eiffel remplace la masse par l’intelligence, remplace le poids par la tension. Tout ceci se passe en soufflerie, et il est assez plaisant de penser que dans cette soufflerie, dont une partie fonctionne encore, on souffle autant des immeubles que des avions. Il faudrait pouvoir observer cette soufflerie de l’intérieur, et plus spécifiquement en visiter les amortisseurs, s’immiscer à leur contact quand il y a du vent afin de regarder leur fonctionnement. Cette tour gigantesque, avec sa lourde ossature, est prévue au repos sur quatre vérins. Voir au plus près les cylindres coulisser doit nous faire ressentir une certaine relativité des choses. »
Extrait du texte de Philippe Starck, Visites possibles & impossibles
À partir d’entretiens menés par Milie von Bariter
« Le récit de l’exposition commence par Très bon jour et le reste, en octobre 2021. Philippe Starck précise au fil des échanges ses intentions scénographiques, sous la forme de généreux commentaires, visuels ou textuels. Ces échappées de sens figurent en couleurs tout au long de ce texte, comme autant de stimulations créatives qu’il prescrit en qualité de directeur artistique de l’exposition. L’écriture et la mise en scène s’inventent ensemble.
La composition millimétrée déroule un propos à la fois non linéaire et à double face. Les séquences successives révèlent ainsi les longerons et les structures de leur agencement, en bois brut, pour donner à voir l’extérieur des espaces intérieurs et vice-versa. À l’endroit du visiteur, ces tableaux transportent dans un Paris à la fois réel et suggéré, raconté et surexposé, en tout cas sans hiérarchie. Dans sa singularité, l’exposition rend visible l’univers parisien de Philippe Starck, ses souvenirs personnels comme ses rêves, tout en amenant chaque visiteur à cheminer aussi en fonction de sa propre mémoire sensible. Ce processus mental de distorsion du réel passionne Philippe Starck, qui évoque Les Aventures d’Alice au pays des merveilles. »
Extrait du texte de Valérie Guillaume, Navigation terrestre, de Paris à Paris
