
Sobriété des lignes, fluidité des draperies, inexpressivité des visages : la beauté doit être " telle qu'une eau pure ". Mais sur le socle, la procession à la mémoire de Chalier rappelle le militantisme de l'œuvre.
A Rome, Chinard avait déjà eu la gloire d'être emprisonné par les autorités pontificales à cause de deux projets de candélabres, jugés subversifs : Jupiter foudroyant l'aristocratie et Apollon terrassant la superstition (vitrine salle 104).
L'effervescence créatrice des sculpteurs et des architectes se manifeste surtout dans la participation aux concours lancés par le gouvernement, car l'instabilité politique rend aléatoire toute réalisation.
Dans les années 1750-1760, artistes et théoriciens mettent à l'index les contorsions frivoles du rocaille et prônent le retour à la grandeur exemplaire de l'Antiquité. On étudie les vestiges de Pompéi, on médite avec ferveur les Réflexions sur l'imitation des artistes grecs dans la peinture et la sculpture de l'archéologue Winckelmann, et l'on croit renouer avec les lois du " Beau idéal ". Cette révolution néo-classique annonce l'autre. L'idéologie révolutionnaire s'approprie la " noble simplicité " du " goût grec " et l'impose comme l'expression officielle des vertus républicaines.
Cette terre cuite s'inspire d'un projet de David : remplacer la statue d'Henri IV, à la pointe du Pont-Neuf, par une effigie colossale du peuple souverain. Chinard prête au peuple français l'énergie triomphante d'Hercule. D'un geste résolu, il soutient la Liberté qui s'apprête à le couronner du laurier de la victoire. Il foule aux pieds l'absolutisme monarchique et le dogmatisme religieux, fleurs de lys, Bible… Sur son front on déchiffre " Lumière ", sur les bras " Force " et sur les mains " Travail ".