
Alexandre-Jean Noël a peint sa toile alors que les sculptures des guérites ne sont pas encore en place, que les travaux du pont n'ont pas débuté. Ni les bâtiments de Gabriel, ni la statue de Bouchardon n'occupent le premier plan du tableau. Le peintre l'a réservé à deux enfants portant des paniers, aux embarcations glissant sur la Seine, tandis qu'un grand ciel nuageux couvre les deux tiers de la toile. Interprète attentif des transformations du paysage parisien, comme Demachy, Hubert Robert ou Debucourt, Noël livre ici une vision sensible de cette grande entreprise.
La place Louis XV est l'une des plus magistrales créations du siècle. En 1748, la municipalité parisienne, décidée à élever une statue au roi Louis XV, fit appel à Edme Bouchardon, grand sculpteur du règne. Mais l'érection d'une statue royale ne s'entendait pas sans l'écrin d'une place. C'est Louis XV qui, en 1750, offrit un terrain en lisière du jardin des Tuileries et à la sortie de Paris, afin d'éviter des expropriations onéreuses. En 1753, le roi marqua sa préférence pour le projet de son premier architecte, Ange-Jacques Gabriel.
Pionnier avec Bouchardon d'un nouveau style, Ange-Jacques Gabriel opta pour la réalisation d'une place ouverte, marquée par deux axes majeurs Est-Ouest et Nord-Sud, au croisement desquels devait s'élever la statue équestre. Seul un côté est bâti, bordé par les deux édifices des administrations royales. Tout dans leur façade annonce l'architecture de la seconde moitié du siècle : retour aux ordres classiques, fronton, sobriété et perfection du décor. Afin de bien souligner la place, l'architecte aménagea un terre-plein délimité par des fossés, cantonnés de guérites ornées de sculptures. Quelques années plus tard, Louis XV chargea l'ingénieur Jean-Rodolphe Perronet (cf. buste salle 61) de construire un pont pour relier la place à la rive gauche. Les travaux ne débutèrent qu'en 1786 (cf. les maquettes du pont, salle 61).